Culture - Solidarités
Médiation : cultiver la culture
Publié le | Mis à jour le
Sommaire
Arts du spectacle vivant, musique, arts plastiques… : qu’il s’agisse de profiter d’un spectacle ou de s’essayer à une discipline, l’offre culturelle herblinoise est d’une grande richesse. Pourtant, de nombreuses personnes en demeurent éloignées. Face à ce constat, la Ville et ses partenaires investissent d’importants moyens dans la médiation culturelle, un outil précieux pour susciter le « désir » de culture.
Sommaire
Espace d’exposition de la Maison des Arts, un mercredi après-midi. Tandis que les jeunes élèves de l’école de musique enchaînent leurs gammes dans les salles de cours, un petit groupe d’adultes profite d’une visite guidée de l’exposition consacrée à la thématique du noir. Photo, aquarelles, sculptures pyrogravées… Les œuvres sont disséquées, questionnées, comparées.
Le groupe présent ce jour-là vient du Zéphyr, un foyer de vie pour adultes en situation de handicap. Présente aux côtés de l’enseignante en arts plastiques, Annabelle Durand, médiatrice culturelle de la Maison des Arts, commente : « Outre la sortie du foyer, l’intérêt de ce genre de visite, c’est de pouvoir contextualiser le travail artistique, de leur expliquer la démarche. Cela crée de l’échange entre eux et de l’émulation. Sans ça, ça n’aurait peut-être pas eu la même saveur. »
Assurer le lien entre une œuvre d’art, un artiste ou une pratique culturelle et les habitants : la médiation se donne pour objectif d’ouvrir grand les portes de l’art. À Saint-Herblain, cette démarche est assurée dans l’ensemble des équipements culturels par des agentes et agents spécifiquement formés à cette pratique. « Un théâtre comme ONYX, ce n’est pas qu’une saison annuelle et des spectacles, indique Séverine Thermes, médiatrice culturelle du cube noir. En parallèle, il y a aussi tout un travail souterrain pour identifier les publics éloignés, faire connaître le lieu, monter des projets avec des artistes, faire entrer la pratique théâtrale à l’école, dans les maisons de retraite, les centres socioculturels… ».
Un travail de « l’ombre » d’autant plus nécessaire qu’un certain nombre de publics se trouvent systématiquement éloignés de l’offre culturelle proposée par la Ville. « Il peut s’agir d’une méconnaissance, d’un manque de temps, d’un manque d’argent, de difficultés spécifiques comme le handicap ou le grand âge, détaille Frédérique Simon, adjointe au maire en charge de la culture. Mais surtout, un sentiment d’illégitimité. Des gens intimidés par les équipements qui refusent de pousser les portes en se disant : “je n’ai rien à faire dans ces lieux-là”. »
Qu’appelle-t-on « médiation culturelle » ?
La médiation culturelle consiste à mettre en lien un public avec une œuvre, un artiste ou une pratique culturelle. Elle est réalisée par des personnes compétentes qui savent s’adresser à toutes et tous. Cette démarche donne des clés de lecture pour comprendre une démarche artistique, tout en encourageant les formes de « réappropriation » par les habitantes et habitants. Elle permet aussi de lever certaines barrières, comme l’autocensure.
Face à ces réserves, la Ville se veut donc volontariste : visites commentées d’expositions, organisation de rencontres avec des artistes, ouverture des « coulisses » d’un équipement…Elle travaille également à un encouragement systématique de la pratique, en mettant en place des ateliers découverte dans les équipements ou in situ, comme récemment au Sillon de Bretagne avec la Cie Basinga. « Il n’y a pas meilleure médiation que d’être accompagné à faire par soi-même, estime Jean-François Fourichon, directeur des affaires culturelles. C’est souvent ça qui suscite la curiosité et le désir d’aller plus loin. »
Une attention particulière est ainsi portée aux enfants et adolescents, qui bénéficient de temps de pratique spécifiques, à l’image des parcours d’Éducation artistique et culturel ou du festival des Indisciplinées du théâtre ONYX, qui mobilise chaque année des centaines de jeunes lycéens autour de la danse, du théâtre, de la musique et du cirque.
Jan Naets & Tatiana-Mosio Bongonga, fondateurs de la Cie Basinga : « Une vraie réciprocité dans le partage »
La vie sur un fil, à plusieurs dizaines de mètres de hauteur. Spécialistes du funambulisme, Tatiana-Mosio Bongonga et Jan Naets ont créé la Cie Basinga en 2014 pour faire « vivre cet art si particulier du corps en mouvement, suspendu dans le vide ». Très attachés aux « valeurs sociales de l’art », les deux compères interviennent régulièrement dans les quartiers populaires.
En 2024, Basinga a ainsi posé ses valises au Sillon de Bretagne dans le cadre des 50 ans de l’immeuble et du festival Les Beaux Jours. « C’est surprenant de constater le lien qui se crée avec l’autre quand on l’aide à marcher sur un fil, explique Tatiana. Ça invite les gens à s’ouvrir à d’autres choses ». Conclusion de cette résidence de territoire : un grand numéro de funambulisme – une traversée de 250 mètres de long à 22 mètres de hauteur entre les deux extrémités du Sillon – dimanche 16 juin. « Ça sera un très beau moment. Il y aura une vraie réciprocité dans le partage car ce spectacle sera aussi participatif, avec des dizaines d’habitants mobilisés », se réjouit Jan par avance.
En 2024, 100 % EAC !
Trois lettres pour « Éducation artistique et culturelle » (EAC). Dispositif national, les EAC favorisent la pratique culturelle chez les enfants. Ils sont organisés sous forme de parcours, à l’année. Encouragés de longue date dans les écoles herblinoises grâce au soutien actif de la Ville (ouverture des équipements, interventions des agents, mise en relation avec les artistes…), les EAC sont proposés à tous les élèves de 3 à 10 ans. Pour son investissement en la matière, Saint-Herblain s’est vue décernée, en mars 2024, un label « 100 % EAC » par les ministères de l’Éducation nationale et de la Culture.
5
bibliothèques et médiathèques gérées par la Ville
4500
élèves herblinois sensibilisés dans le cadre des parcours d’Éducation artistique et culturelle (EAC)
230
billets Happy culture distribués par le théâtre ONYX aux habitants de Bellevue et du Sillon pour faciliter l’accès aux spectacles
3300
personnes présentes lors des ateliers artistiques à Bellevue, entre 2020 et 2023
Pour briser certains obstacles sociaux, les équipes de médiation imaginent aussi des dispositifs hors-les-murs, en se rendant dans les parcs, dans certains lieux spécifiques (EPHAD, foyers de vie, épicerie sociale…), parfois directement en pied d’immeubles. « Ce n’est pas toujours facile à mettre en place, mais on n’a pas trouvé mieux car la culture ne doit pas s’exprimer uniquement dans des lieux solennels », juge Frédérique Simon.
Un travail de longue haleine, également réalisé avec le soutien de partenaires associatifs. Trois « résidences » de territoire ont ainsi rythmé les dernières années : Royal de Luxe (2019-2023) et la Fausse Cie (depuis 2020, toujours en cours) à Bellevue, la Cie Basinga au Sillon en 2024, pour fêter les 50 ans de l’immeuble. « Je suis persuadé que la culture, ce n’est pas qu’une ressource, estime Jean-François Fourichon. C’est aussi une forme de communion laïque, qui a des vertus intégratives. D’où l’importance de la médiation ».
Pendant ce temps-là, à la Maison des Arts, les résidents du foyer du Zéphyr prennent le temps de s’étonner devant le travail des artistes. Le ressenti général est à l’enthousiasme et l’avis, unanime : ils reviendront.
Stages artistiques : fenêtres sur le monde
S’essayer au steeldrum, à la gravure ou à la photo argentique ? À chaque période de vacances scolaires, la Maison des Arts propose des stages artistiques, accessibles dès 8 ans. Les ateliers sont encadrés par des enseignantes et enseignants de l’équipement, qui font découvrir leur pratique à la journée ou la demi-journée.
Infos détaillées et inscription sur : maisondesarts@saint-herblain.fr
Brice Wandebrouck, enseignant à l'école Beauregard : « Ouvrir les enfants à d’autres univers »
« Les enfants adorent les projets culturels ! Ils sont très demandeurs de découvrir de nouvelles choses et c’est ce que permettent de faire les parcours d’Éducation artistique et culturelle (EAC). » Enseignant en classe de CM1 à l’école Beauregard depuis 7 ans, Brice Wandebrouck intègre systématiquement ses élèves à un parcours d’EAC.
À chaque année sa spécialité : tantôt les arts visuels, tantôt le spectacle vivant ou les arts graphiques. « En 2023-2024, la thématique était l’affiche, explique l’enseignant. Nous avons fait une dizaine de séance de travail, des sorties au musée de l’imprimerie et à la médiathèque Charles-Gautier-Hermeland. À chaque fois, les enfants profitent d’un temps de découverte, d’une séance d’apport théorique et d’ateliers de pratique. » Fortement accompagnés par la Ville, les EAC sont un outil pédagogique précieux. « Les enfants s’ouvrent à d’autres univers. Et c’est aussi très valorisant pour les artistes car ils apprennent à s’adresser à d’autres publics. »